CJUE, 21 mars 2024, C-714/22 S.R.G. c/ Profi Credit Bulgaria EOOD  

  

Contrat entre établissement de crédit et consommateur – Contrat de prêt – Appréciation caractère abusif – rôle des juridictions – Clause accessoire crédit – Rééchelonnement des mensualités – Disproportion des coûts 

  

EXTRAIT   

« l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de crédit à la consommation permettant au consommateur concerné de reporter ou de rééchelonner les mensualités du crédit moyennant le paiement de coûts supplémentaires, alors même qu’il n’est pas certain que ce consommateur fera usage de cette possibilité, est susceptible de revêtir un caractère abusif, lorsque, notamment, ces coûts sont manifestement disproportionnés par rapport au montant du prêt octroyé. » 

 

  

ANALYSE   

 

Dans cette décision, la CJUE était saisie de la question de savoir si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses portant sur des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, qui accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de sa demande de crédit et la mise à disposition de la somme empruntée ainsi que la possibilité de reporter le remboursement des mensualités ou d’en réduire le montant, relèvent de l’objet principal de ce contrat, au sens de cette disposition, et échappent donc à l’appréciation de leur caractère abusif (voir  CJUE, 21 mars 2024, C-714/22 S.R.G. c/ Profi Credit Bulgaria EOOD)

 

La Cour était également saisie du point de savoir si si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le point 1, sous o), de l’annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de crédit à la consommation permettant au consommateur concerné de reporter ou de rééchelonner les mensualités du crédit moyennant le paiement de coûts supplémentaires, alors même qu’il n’est pas certain que ce consommateur fera usage de cette possibilité, revêt un caractère abusif. 

La Cour observe que la clause litigieuse n’est pas prévue dans la liste de la directive de clauses pouvant être abusives. La Cour rappelle cependant que cette liste n’étant pas limitative, le caractère abusif de la clause peut tout de même être relevé notamment si celle-ci est non négociée et qu’elle crée un déséquilibre signification entre les obligations des contractants.  

 

S’agissant de l’appréciation de ce caractère, l’article 4 paragraphe 1 de la directive 93/13 prévoit la nécessaire prise en compte de l’ensemble contractuel à savoir toutes les circonstances entourant la situation lors de la conclusion du contrat.  

 

Aussi, la Cour rappelle sa jurisprudence (CJUE, 10 sept 2020-C-738/19-A) selon laquelle, pour déterminer si une clause contractuelle est potentiellement abusive, il appartient au tribunal national de statuer en fonction de ces circonstances propres au cas d’espèce. Cependant, c’est à la Cour de justice de l’Union européenne de définir, à partir de l’interprétation de ladite directive, les critères que le juge national doit ou peut utiliser pour évaluer ces clauses. 

 

 

A cet effet, la Cour énonce les critères pouvant être pris en compte qu’il s’agisse d’une part de la transparence de la clause et d’autre part de la marge d’appréciation dont l’établissement de crédit bénéficie en cas de demande de modification du plan de remboursement.  

 

Enfin, la CJUE considère qu’une mise en balance doit être effectuée entre le coût du service accessoire, objet de la clause, et le coût de l’objet principal du contrat.
En rappelant sa jurisprudence (arrêt du 23 novembre 2023, aff. C321 /22 – Provident Polska), elle énonce qu’une analyse économique quantitative peut suffire à faire constater un déséquilibre significatif. Ce dernier pouvant résulter par exemple, dans un contrat de crédit, de frais d’octroi et de gestion manifestement disproportionnés par rapport au montant emprunté.  

 

Elle en déduit que la clause d’un contrat de crédit à la consommation permettant au consommateur concerné de reporter ou de rééchelonner les mensualités du crédit moyennant le paiement de coûts supplémentaires, alors même qu’il n’est pas certain que ce consommateur fera usage de cette possibilité, est susceptible de revêtir un caractère abusif, lorsque, notamment, ces coûts sont manifestement disproportionnés par rapport au montant du prêt octroyé. 

 

Voir également 

 

CJUE 10 sept. 2020-C-738/19

CJUE, 23 nov. 2023, aff. C321 /22 – Provident Polska

 

CJUE, 21 mars 2024, C-714/22 S.R.G. c/ Profi Credit Bulgaria EOOD

Contrats de crédit à la consommation – Services accessoires à un contrat de crédit – 

  

EXTRAIT  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses portant sur des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, qui accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de sa demande de crédit et la mise à disposition de la somme empruntée ainsi que la possibilité de reporter le remboursement des mensualités ou d’en réduire le montant, ne relèvent pas, en principe, de l’objet principal de ce contrat, au sens de cette disposition, et n’échappent donc pas à l’appréciation de leur caractère abusif. » 

ANALYSE   

En l’espèce, un contrat de crédit à la consommation a été conclu entre un client et un professionnel dans lequel le client a souscrit des services accessoires payants en plus du crédit principal. Le client conteste la validité de ces clauses, estimant que les clauses contractuelles établissant l’obligation de payer ces intérêts et ces services sont nulles.  

 

La CJUE a dû statuer sur le point de savoir si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété de manière à inclure les clauses concernant les services accessoires dans l’évaluation de leur caractère abusif.  

La Cour rappelle les clauses contractuelles qui relèvent de la notion d’« objet principal du contrat », doivent s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. 

 

Elle précise que pour un contrat de crédit, les prestations essentielles sont, pour le prêteur, la mise à disposition de l’emprunteur une certaine somme d’argent, et pour ce dernier, le remboursement de cette somme selon les échéances prévues [voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C565/21, EU:C:2023:212, point 18 et jurisprudence citée]. 

 

Elle rappelle aussi sa jurisprudence selon laquelle l’obligation de rémunérer des services liés à l’examen, à l’octroi et au traitement du prêt ou d’autres services similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi du prêt ne saurait être considérée comme relevant des prestations essentielles résultant d’un contrat de crédit [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C565/21, EU:C:2023:212, points 22 et 23]. 

 

Elle énonce ensuite que les clauses portant sur des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, qui accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de sa demande de crédit et la mise à disposition de la somme empruntée ainsi que la possibilité de reporter le remboursement des mensualités ou d’en réduire le montant, ne touchent pas à l’essence même du rapport contractuel concerné, à savoir, d’une part, la mise à disposition d’une somme d’argent par le prêteur et, d’autre part, le remboursement de cette somme.  

 

Elle en déduit que ces clauses ne relèvent pas, en principe, de l’objet principal de ce contrat. Elles sont donc soumises à une évaluation de leur caractère abusif.  

CJUE, 9ème chambre, 21 mars 2024, aff. C-714/22 – Profi Credit Bulgaria EOOD contre T.I.T. 

  

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Crédit à la consommation – Objet principal du contrat – Services accessoires à un contrat de crédit – Possibilité d’appréciation du caractère abusif 

 

  

EXTRAIT  

« […] L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses portant sur des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, qui accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de sa demande de crédit et la mise à disposition de la somme empruntée ainsi que la possibilité de reporter le remboursement des mensualités ou d’en réduire le montant, ne relèvent pas, en principe, de l’objet principal de ce contrat, au sens de cette disposition, et n’échappent donc pas à l’appréciation de leur caractère abusif […] » 

 

  

ANALYSE   

  

 

En l’espèce, la quatrième question de la juridiction de renvoi concerne la question de savoir si des dispositions régissant des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, peuvent être considérées comme faisant partie de l’essence même de ce contrat, au sens de ladite disposition, et par conséquent, échapper à l’examen de leur caractère abusif. 

  

À titre liminaire, la Cour rappelle que, étant intimement liées au contrat principal, les clauses concernant des services accessoires ne peuvent pas être considérés comme autonomes à ce contrat. Ces clauses doivent être examinées dans le contexte global du contrat, qu’elles soient inclues dans le contrant principal ou qu’elles figurent dans une convention accessoire. 

 

La Cour rappelle que les clauses considérées comme l’objet principal du contrat sont celles qui définissent les éléments essentiels du contrat, le caractérisant en tant que tel. Les clauses relevant de cette disposition échappent à l’examen de leur caractère abusif, uniquement si elles sont rédigées de manière claire et compréhensible par le professionnel (arrêt du 5 juin 2019, GT, C-38/17, EU:C:2019:461, point 31). 

  

La Cour confirme que les éléments essentiels d’un contrat de crédit incluent l’engagement du prêteur à mettre à disposition une somme d’argent, tandis que l’emprunteur s’engage à rembourser cette somme avec des intérêts selon les échéances prévues (arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission douverture du prêt), C-565/21, EU:C:2023:212, point 18). 

  

La Cour considère que les services accessoires, tels que ceux offrant au consommateur une priorité dans le traitement de sa demande de crédit ou la possibilité de reporter ou réduire les paiements mensuels, ne peuvent pas être considérés comme des prestations essentielles du contrat de crédit. L’inclusion de divers types de frais dans le coût global d’un crédit à la consommation ne constitue pas un critère décisif pour déterminer si ces frais font partie des prestations fondamentales d’un contrat de crédit (arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska SA e.a. contre QJ e.a., C-84/19, C-222/19 et C-252/19, EU:C:2020:631, point 69). 

  

Dans ces conditions, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses concernant des services accessoires ne peuvent pas être considérés comme faisant partie de l’objet principal du contrat de crédit. Par conséquent, ces clauses ne bénéficient pas de l’exclusion prévue par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et peuvent donc être soumises à l’appréciation de leur caractère abusif. 

   

Voir également :  

   CJUE, 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C-565/21. 

COUR D’APPEL DE PARIS, 18 MAI 2022, SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, N° RG 20/06140 

– clause de stipulation d’intérêts 

EXTRAITS 

 

En cause d’appel, les emprunteurs demandent à la cour « vu la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 », selon laquelle une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours « qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en découler à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ce qui conduit la commission à recommander d’éliminer des conventions souscrites par des consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet : « de permettre à l’établissement de crédit de calculer sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière » de « dire non écrite la stipulation d’intérêts ». 

Force est cependant de constater que dans le corps des conclusions des appelants, leurs critiques sur ce  fondement se limitent au mode de calcul des intérêts mais ne concernent pas la clause relative à la fixation du  taux, ce qui en tout état de cause entrerait dans le champ de l’alinéa 7 du texte précité selon lequel « l’appréciation  du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du  contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les  clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » s’agissant en effet de la rémunération du prêteur.  

Les emprunteurs ne rapportent en outre pas la preuve d’un déséquilibre significatif créé à leur détriment alors  que la clause litigieuse – qui est une clause dite « de rapport » (30/360) – revient à calculer sur l’ensemble des  échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours  exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d’intérêt annuel  convenu, de sorte que son application revient au calcul prévu par les dispositions de l’article R.313-1 ancien du  code de la consommation effectué sur la base d’un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l’année civile de  365 jours.   

(…) 

Il n’est donc justifié d’aucun motif de juger abusive et non écrite « la stipulation d’intérêt » ainsi que le réclament  les emprunteurs.  »  

ANALYSE 

 

La Cour d’appel juge que la clause de stipulation d’intérêts dans un contrat de prêt de la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE n’est pas abusive. 

La clause litigieuse est une clause dite « de rapport » (30/360) qui revient à calculer sur l’ensemble des  échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours  exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d’intérêt annuel  convenu ». 

 

La clause s’analyse en une clause portant sur l’adéquation de la rémunération avec le service offert au sens de l’ancien article L.132-1 du Code de la consommation (nouvel article L.212-1 du Code de la consommation). L’examen de son caractère abusif suppose donc qu’elle soit entachée d’un défaut de clarté. 

En outre, la clause qui revient au calcul prévu par les dispositions de l’article R.313-1 ancien du  code de la consommation effectué sur la base d’un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l’année civile de  365 jours ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs (nouvel article L.212-1 du Code de la consommation).  

 

Voir également : 

- 8ème considérant de la Recommandation de la Commission des clauses abusives, N°05-02 Conventions de comptes bancaires