Cass. civ. 1ère, 29 mai 2024, n°23-12.904, Publié au bulletin

Protection des consommateurs – Clauses abusives – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties 

EXTRAITS : 

“Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016: 

(…) 

  1. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé le texte susvisé”

 

ANALYSE : 

Un prêt immobilier a été consenti le 18 juillet 2011 par une banque. A la suite de plusieurs échéances impayées, le prêteur a mis en demeure l’emprunteur, le 30 mars 2018, de régulariser la situation dans un délai de 15 jours. Le 5 juin 2018, la banque a prononcé la déchéance du terme. 

Par un arrêt en date du 5 janvier 2023, la cour d’appel de Metz a condamné l‘emprunteur au paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt, en faisant application d’une clause du contrat autorisant la banque à « se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoire » sans délai de préavis raisonnable. 

L’emprunteur forme un pourvoi en cassation en invoquant l’absence d’examen d’office par les juges du fond du caractère abusif de la clause litigieuse. 

La Cour de cassation considère que la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable est abusive, en ce qu’elle expose le consommateur à une “aggravation soudaine des conditions de remboursement”. 

Ainsi, la première chambre civile confirme la solution qu’elle avait déjà apportée dans l’arrêt rendu le 22 mars 2023, n° 21-16.044, affirmant que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler des échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur en ce qu’elle l’expose à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. 

Pour statuer ainsi, la première chambre civile rappelle l’arrêt Banco Primus rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 janvier 2017. En effet, dans cet arrêt, la Cour dégage 4 éléments que le juge national doit examiner pour apprécier le caractère abusif d’une clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée.  

Il s’agit premièrement d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution d’une obligation du consommateur essentielle dans le cadre du contrat. Il s’agit ensuite d’apprécier l’existence d’une telle clause en cas d’inexécution du consommateur « suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt ». Le juge national doit également prendre en compte dans son analyse les règles nationales applicables en l’absence d’accord des parties. Enfin, il doit apprécier l’existence dans le droit national de recours laissés au consommateur pour remédier aux effets de ladite clause. 

La première chambre civile rappelle ensuite  que l’arrêt Banco Primus rendu le 26 janvier 2017 suppose que les critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doivent être compris comme un ensemble de circonstances entourant la conclusion du contrat concerné (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21).  

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