Cass. civ. 1ère, 18 septembre 2024, n°23-11.407, Inédit
Clause abusive – Réputé non écrit – Prescription quinquennale – Imprescriptibilité
EXTRAIT :
« 9. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance), la CJUE a dit pour droit que l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.
- Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale. »
ANALYSE :
Deux prêts immobiliers libellés en francs suisses ont été consentis par une banque. Ces prêts sont intégralement remboursés en mars 2015, par la vente du bien immobilier dont l’acquisition avait été financée par lesdits prêts. Le 4 janvier 2021, soit près de 6 ans plus tard, l’emprunteur assigne la banque en annulation des contrats, en restitution des sommes versées, en compensation des créances réciproques et en indemnisation. Le requérant demande également la constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats et, en conséquence, de voir réputées non écrites ces clauses.
La cour d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 1er décembre 2022, a déclaré irrecevables les actions du requérant comme prescrites. Les juges du fond ont considéré qu’il s’agissait d’actions en responsabilité, soumises à la prescription quinquennale, laquelle avait commencé à courir en septembre 2014, date à laquelle l’emprunteur avait eu connaissance de son préjudice.
L’emprunteur forme un pourvoi en cassation. Il invoque l’imprescriptibilité de l’action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause.
La Cour de cassation rend sa décision au visa de deux articles, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016. Le premier est l’article L. 110-4 du code de commerce qui prévoit une prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Le second est l’article L. 132-1 du code de la consommation qui donne la définition de la clause abusive et prévoit sa sanction : le réputé non écrit.
Ensuite, la Cour de cassation rappelle la solution de l’arrêt Pannon GSM rendu le 4 juin 2009 par la CJCE. Cette décision fait obligation au juge d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause dès lors qu’il dispose « des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ».
Elle rappelle également le contenu de l’arrêt BNP Paribas Personal Finance rendu le 10 juin 2021 par la CJUE. Dans cet arrêt, la CJUE pose le principe d’imprescriptibilité, dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, des demandes de constatation du caractère abusif d’une clause.
La Cour déduit du rapprochement de ces deux arrêts que la demande qui tend à voir réputé non écrite une clause abusive n’est pas soumise à la prescription quinquennale. Elle cite d’ailleurs sur ce point un de ses arrêts précédemment rendu : Cass. 1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17.996, publié.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui déclare prescrites les actions du requérant tendant à voir réputer non écrite une clause. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour de cassation décide ensuite de statuer au fond. Sur le fond, elle infirme l’ordonnance du juge de la mise en état ayant admis la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dit que l’instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire.
Voir également :
CJCE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM