Audience publique du 21 octobre 2003
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 21 octobre 2003 Cassation
N° de pourvoi : 01-13239
Président : M. LEMONTEY

Attendu que l’association X, agréée au sens de l’article L. 411-1 du Code de la consommation, a saisi les juridictions civiles afin de voir déclarer abusives certaines des clauses du contrat type utilisé par les sociétés SA M. et SARL L. ; que si certaines desdites clauses ont été déclarées abusives, l’association s’est vue déboutée du surplus de ses demandes ;

Sur le moyen unique, pris en sa dernière branche, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que la cour d’appel a rejeté la demande de publication de la décision ordonnant la suppression des clauses abusives en considérant qu’elle n’était pas justifiée ; qu’ainsi la cour d’appel n’a pas encouru la critique du grief ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter l’association  X de sa demande de dommages-intérêts, la cour d’appel a relevé que l’association n’avait agi que sur le seul fondement de l’article L. 421-6 du Code de la consommation lequel ne concerne que la possibilité d’obtenir la suppression des clauses abusives ;

Qu’en statuant ainsi, alors que d’une part, une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l’octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs et alors, d’autre part, que X avait expressément sollicité l’octroi de tels dommages-intérêts, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les première, deuxième et quatrième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 mars 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société M. et la société L. aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés M. et L. à payer à X la somme globale de 2 000 € ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille trois.

Dans l’affaire C-473/00,  ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le tribunal d’instance de Vienne (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre C… SA et J…-L… F…, une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, D. A. O. Edward, A. La Pergola

et P. Jann (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

 

considérant les observations écrites présentées:

– pour C… SA, par Me B. Célice, avocat,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme R. Loosli-Surrans, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. H. Dossi, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Martin et M. França, en qualité d’agents,

 

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de C…SA, représentée par Me B. Soltner, avocat, de M. F…, représenté par Me J. Franck, avocat, du gouvernement français, représenté par Mme R. Loosli-Surrans, et de la Commission, représentée par M. M. França, à l’audience du 17 janvier 2002,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 avril 2002

rend le présent Arrêt

1. Par jugement du 15 décembre 2000, rectifié par jugement du 26 janvier 2001, parvenus à la Cour respectivement les 27 décembre 2000 et 29 janvier 2001, le tribunal d’instance de Vienne a posé, en vertu de l’article 234 CE, une question préjudicielle relative à l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2. Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant C…SA (ci-après «C…»), société de droit français, à M. F… au sujet du paiement de sommes dues en exécution d’un contrat de crédit conclu par ce dernier avec ladite société.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. Aux termes de l’article 1er de la directive:

1..La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2..Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […] ne sont pas soumises aux dispositions de la directive.»

4. L’article 3, paragraphe 1, de la directive dispose:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

5. L’article 4 de la directive précise la manière dont le caractère abusif d’une clause doit être apprécié. Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit:

«L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

6. En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

7. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

La réglementation nationale

8. Les dispositions relatives aux clauses abusives se trouvent dans le livre I («Information des consommateurs et formation des contrats»), titre III («Conditions générales des contrats»), chapitre 2, intitulé «Clauses abusives», du code de la consommation.

9. L’article L. 132-1 dudit code, dans sa version résultant de la loi n° 95-96, du 1er février 1995, concernant les clauses abusives et la présentation des contrats, définit ce qu’il convient d’entendre par «clauses abusives» et précise que celles-ci «sont réputées non écrites». Selon le jugement de renvoi, cette sanction équivaut à une nullité qui, conformément aux règles générales en matière contractuelle, peut être invoquée pendant cinq ans par voie d’action et de manière perpétuelle par voie d’exception.

10. L’article L. 311-37 du code de la consommation, auquel se réfère le jugement de renvoi, se trouve dans le livre III («Endettement»), titre I («Crédit»), chapitre 1, intitulé «Crédit à la consommation», dudit code. Ce chapitre prévoit notamment des règles de forme très précises.

11. L’article L. 311-37, premier alinéa, du code de la consommation dispose:

«Le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion […]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

12. Par contrat du 26 janvier 1998, C… a accordé à M. F… une ouverture de crédit. Les échéances étant restées impayées, C… a assigné, le 24 août 2000, M. F… devant le tribunal d’instance de Vienne en paiement des sommes dues.

13. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que l’offre de crédit se présente sous la forme d’un feuillet imprimé recto verso, comportant la mention «demande gratuite de réserve d’argent» en gros caractères sur la face recto, tandis que les mentions relatives au taux d’intérêt conventionnel et à une clause pénale figurent en petits caractères sur la face verso. Le tribunal d’instance de Vienne a déduit de ces constatations que «les clauses financières […] manquent de lisibilité» et que «ce défaut de lisibilité est à rapprocher de la mention de ‘gratuité’ […] en des formes particulièrement apparentes», laquelle était de nature à induire en erreur le consommateur. Il en a conclu que «les clauses financières peuvent être regardées comme abusives».

14. Toutefois, s’agissant d’un litige concernant une opération de crédit à la consommation, le tribunal d’instance de Vienne a considéré que le délai de forclusion de deux ans prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation est applicable et lui interdit d’annuler les clauses dont il a constaté le caractère abusif.

15. C’est dans ces conditions que le tribunal d’instance de Vienne a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La protection que la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, [assure à ceux-ci implique] que le juge national, appliquant des dispositions de droit national antérieures ou postérieures à ladite directive, les interprète dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de celle-ci;

Cette exigence d’une interprétation conforme du système de protection des consommateurs prévu par la directive impose-t-elle au juge national, saisi d’une action en paiement, engagée par le professionnel à l’encontre du consommateur avec lequel il a contracté, d’écarter une règle de procédure d’exception, telle celle prévue à l’article L. 311-37 du code de la consommation, en ce qu’elle interdit au juge national d’annuler, à la demande du consommateur ou d’office, toute clause abusive viciant le contrat dès lors que celui-ci a été formé plus de deux ans avant l’introduction de l’instance et en ce qu’elle permet, ainsi, au professionnel de se prévaloir en justice desdites clauses et de fonder son action sur celles-ci?»

Sur la question préjudicielle

16. Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la protection que la directive assure aux consommateurs s’oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l’encontre d’un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l’expiration d’un délai de forclusion de relever, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d’une clause insérée dans ledit contrat.

Sur la recevabilité

17. À titre liminaire, C… et le gouvernement français émettent des doutes quant à la pertinence de la question posée au regard de la solution du litige au principal et donc quant à la recevabilité de la demande préjudicielle.

18. C… soutient que les clauses jugées abusives par la juridiction de renvoi n’entrent pas dans le champ d’application de la directive. S’agissant de clauses financières incluses dans un contrat de crédit, elles porteraient sur la définition de l’objet principal de celui-ci. Dès lors, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive, elles seraient exclues du champ d’application de cette dernière. Les clauses en question ne sauraient se voir reprocher un défaut de clarté puisqu’elles ne seraient que la reproduction d’un modèle de contrat élaboré par le législateur national, lequel ne serait pas soumis, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive, aux dispositions de celle-ci.

19. C…  ajoute que c’est à tort que la juridiction de renvoi a jugé applicable au domaine des clauses abusives le délai de forclusion prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation en matière de crédit à la consommation. Le gouvernement français relève que cette question suscite effectivement des doutes et que la Cour de cassation (France) n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce point.

20. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire ou l’examen de la validité d’une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n’ont

aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 22 juin 2000, Fornasar e.a., C-318/98, Rec. p. I-4785, point 27, et du 10 mai 2001, Agorà et Excelsior, C-223/99 et C-260/99, Rec. p. I-3605, points 18 et 20).

21. En l’espèce, la juridiction de renvoi considère que certaines des clauses financières imprimées du contrat de crédit dont il a à connaître sont entachées d’un défaut de clarté et de compréhensibilité. Ce défaut serait lié notamment à l’emploi, sur l’imprimé utilisé par l’établissement de crédit, de termes d’inspiration publicitaire, évoquant une prétendue gratuité de l’opération, que la juridiction de renvoi considère comme ayant été de nature à induire le consommateur en erreur.

22. À cet égard, il convient de relever que, dans la mesure où elles ne se limitent pas à refléter des dispositions législatives ou réglementaires impératives et où il leur est reproché une rédaction ambiguë, il n’apparaît pas de manière manifeste que les clauses en question échappent au champ d’application de la directive, tel qu’il est délimité par les articles 1er, paragraphe 2, et 4, paragraphe 2, de celle-ci.

23. Pour entrer dans le champ d’application de la directive, lesdites clauses doivent toutefois répondre aux critères définis à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et doivent, en dépit de l’exigence de bonne foi, créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. Bien que la juridiction de renvoi n’ait fourni aucun élément sur ce dernier point, il ne saurait être exclu que cette condition soit remplie.

24. Quant à la question de savoir si le délai de forclusion prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation est applicable ou non aux clauses abusives, il s’agit d’une question relevant du droit national qui, en tant que telle, échappe à la compétence de la Cour.

25. Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que la question posée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

26. Il s’ensuit que la demande préjudicielle est recevable. Il y a donc lieu d’y répondre, en se fondant sur la prémisse selon laquelle les clauses que la juridiction de renvoi considère comme abusives satisfont aux critères définis aux articles 1er, paragraphe 2, 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, de la directive.

Sur le fond

27. C… et le gouvernement français s’attachent en premier lieu à distinguer l’affaire au principal de celle qui a donné lieu à l’arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941). Selon eux, en permettant au juge national d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause attributive de juridiction, la Cour a simplement permis à ce dernier de relever lui-même son incompétence. Dans l’affaire au principal, il s’agirait cependant d’apprécier si le juge doit ou non appliquer un délai de forclusion imposé par le législateur national.

28. C… et le gouvernement français soutiennent en second lieu que, en l’absence dans la directive d’une disposition relative à un éventuel délai de forclusion, la question de l’application d’un tel délai relève du principe de l’autonomie procédurale. Il appartiendrait dès lors à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de la directive dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité. Or, la Cour aurait constaté à diverses occasions la compatibilité avec ces principes de délais de forclusion plus brefs que celui de deux ans prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation (arrêts du 16 décembre 1976,Rewe, 33/76, Rec. p. 1989, et du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261/95, Rec. p. I-4025).

29. M. F… soutient qu’il convient de faire une interprétation large de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité. Selon lui, la Cour a, dans cet arrêt, considéré la possibilité pour le juge national d’apprécier d’office l’illégalité d’une clause abusive comme un moyen permettant d’atteindre le résultat fixé à l’article 6 de la directive, à savoir garantir que les clauses abusives ne lient pas le consommateur. Or, ce résultat ne pourrait être atteint si cette possibilité était soumise à un délai. Dans le cas des contrats de crédit à la consommation, la plupart des procédures seraient introduites par le prêteur professionnel, auquel il suffirait d’attendre l’expiration dudit délai pour introduire l’action en paiement, privant ainsi le consommateur de la protection instituée par la directive.

30. Le gouvernement autrichien, tout en reconnaissant que la directive laisse aux États membres une marge d’appréciation importante et qu’un délai de prescription peut contribuer à la sécurité juridique, fait valoir que, eu égard à l’effet de forclusion du délai en cause et à sa brièveté, il est douteux qu’il permette d’atteindre le résultat prescrit par les articles 6 et 7 de la directive.

31. La Commission, qui soutient également une interprétation large de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, estime que la fixation d’une limite temporelle au pouvoir reconnu au juge de relever d’office l’illégalité d’une clause abusive est contraire aux objectifs de la directive. Permettre aux États membres d’établir de telles limites, éventuellement différentes, serait en outre contraire au principe d’application uniforme du droit communautaire.

32. À cet égard, il convient de rappeler que, au point 28 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, la Cour a jugé que la faculté pour le juge d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause constitue un moyen propre à la fois à atteindre le résultat fixé à l’article 6 de la directive, à savoir empêcher qu’un consommateur individuel ne soit lié par une clause abusive, et à contribuer à la réalisation de l’objectif visé à son article 7, dès lors qu’un tel examen peut avoir un effet dissuasif concourant à faire cesser l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

33. Cette faculté reconnue au juge a été considérée comme nécessaire pour assurer au consommateur une protection effective, eu égard notamment au risque non négligeable que celui-ci soit dans l’ignorance de ses droits ou rencontre des difficultés pour les exercer (arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, point 26).

34. La protection que la directive confère aux consommateurs s’étend ainsi aux hypothèses dans lesquelles le consommateur qui a conclu avec un professionnel un contrat contenant une clause abusive s’abstient d’invoquer le caractère abusif de cette clause soit parce qu’il ignore ses droits, soit parce qu’il est dissuadé de les faire valoir en raison des frais qu’une action en justice entraînerait.

35. Il apparaît dès lors que, dans les procédures ayant pour objet l’exécution de clauses abusives, introduites par des professionnels à l’encontre de consommateurs, la fixation d’une limite temporelle au pouvoir du juge d’écarter, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par le consommateur, de telles clauses est de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par les articles 6 et 7 de la directive. Il suffit en effet aux professionnels, pour priver les consommateurs du bénéfice de cette protection, d’attendre l’expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l’exécution des clauses abusives qu’ils continueraient d’utiliser dans les contrats.

36. Il y a donc lieu de considérer qu’une disposition procédurale qui interdit au juge national, à l’expiration d’un délai de forclusion, de relever, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par un consommateur, le caractère abusif d’une clause dont l’exécution est demandée par le professionnel, est de nature à rendre excessivement difficile, dans les litiges auxquels les consommateurs sont défendeurs, l’application de la protection que la directive entend leur conférer.

37. Cette interprétation n’est pas contredite par le fait que, comme le font valoir C… et le gouvernement français, la Cour a jugé à diverses reprises que des délais de forclusion plus brefs que celui en cause dans l’affaire au principal ne sont pas incompatibles avec la protection des droits conférés à des particuliers par le droit communautaire (arrêts précités Rewe et Palmisani). Il suffit en effet de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 14). Les arrêts précités Rewe et Palmisani invoqués par C… et le gouvernement français ne sont donc que le résultat d’appréciations au cas par cas, portées en considération de l’ensemble du contexte factuel et juridique propre à chaque affaire, qui ne sauraient être transposées automatiquement dans des domaines différents de ceux dans le cadre desquels elles ont été émises.

38. Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que la protection que la directive assure aux consommateurs s’oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l’encontre d’un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l’expiration d’un délai de forclusion de relever, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d’une clause insérée dans ledit contrat.

Sur les dépens

39. Les frais exposés par les gouvernements français et autrichien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

statuant sur la question à elle soumise par le tribunal d’instance de Vienne, par jugement du 15 décembre 2000, rectifié par jugement du 26 janvier 2001, dit pour droit:

La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s ‘ oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l ‘ encontre d ‘ un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l ‘ expiration d ‘ un délai de forclusion de relever, d ‘ office ou à la suite d ‘ une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d ‘ une clause insérée dans ledit contrat.

Wathelet
Timmermans
Edward
La Pergola
Jann

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 novembre 2002
Le greffier
Le président de la cinquième chambre
R. Grass
M. Wathelet

N° de pourvoi : 99-20265
Publié au bulletin
Président : M. Aubert, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Rapporteur : M. Charruault.
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Avocat : la SCP Laugier et Caston.

Attendu que, le 20 juillet 1995, M. X… a conclu avec la société M… un contrat dit de vente « client partenaire », en vertu duquel celle-ci a vendu à celui-là un matériel de détection et de télésurveillance, d’une valeur de 29 215,92 francs, toutes taxes comprises, destiné à assurer la protection de locaux d’habitation ; que l’article 2 de ce contrat stipule qu’en contrepartie de l’acceptation, par le client, d’une part, d’être cité en référence et de promouvoir les matériels de la société auprès de ses relations, d’autre part, de souscrire auprès de celle-ci un contrat d’abonnement de télésurveillance moyennant une redevance mensuelle de 230 francs, ce dernier devient propriétaire du matériel vendu « pour une somme qui est ramenée dans l’immédiat » à 11 686,40 francs, outre les frais de pose s’élevant à 900 francs ; que l’article 11 dudit contrat, selon lequel le contrat de télésurveillance est conclu pour une durée d’un an renouvelable automatiquement par tacite reconduction, prévoit que le client reste libre, à tout moment, de résilier l’abonnement de télésurveillance et précise qu’en ce cas la différence entre le prix réel de l’installation et la somme réglée lors de la signature du contrat sera alors facturée au client, déduction faite d’une prime de fidélité de 40 francs, toutes taxes comprises, par mensualité de télésurveillance réellement réglée et d’une commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client ; que le contrat d’abonnement de télésurveillance que vise le contrat précité a été conclu le même jour par les parties, pour une durée minimum d’un an, moyennant une redevance mensuelle de 230 francs ; qu’il stipule que cette durée constitue une période ferme et non divisible, librement choisie par le client qui, en contrepartie, a pu bénéficier de conditions avantageuses concernant l’acquisition du matériel, et que, de ce fait, en cas de résiliation avant le terme et ce pour quelque motif que ce soit, le solde des mensualités de la période contractuelle en cours, majoré de 15 %, deviendra immédiatement et de plein droit exigible à titre d’indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant ; qu’il précise, d’une part, qu’à défaut de résiliation au terme de la période contractuelle en cours, il sera automatiquement et tacitement reconduit pour une période d’un an, d’autre part, que la résiliation se fera par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un délai de préavis minimum d’un mois avant le terme de la période en cours ; que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 26 mai 1998 par la société M…, M. X… a résilié les contrats précités à effet du 20 juillet 1998 ;

Attendu que, par déclaration du 18 novembre 1998, la société M… a saisi le tribunal d’instance d’une demande tendant à la condamnation de M. X… à lui payer, d’une part, la somme de 16 444,52 francs sur le fondement des stipulations précitées de l’article 11 du contrat de vente, d’autre part, la somme de 2 466,68 francs au titre de la clause pénale prévue par le contrat d’abonnement ; que le Tribunal a dit que l’article 11 du contrat de vente ne présente pas le caractère d’une clause abusive et accueilli les prétentions de la société M… ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. X… fait grief au jugement attaqué de l’avoir condamné à payer à la société M… la somme de 2 466,68 francs, alors, selon le moyen, qu’est abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation la clause qui stipule, comme en l’espèce, que la résiliation avant le terme par l’abonné et « ce pour quelque motif que ce soit » donnera lieu au versement d’une indemnité équivalente au solde de la période contractuelle en cours, majorée de 15 %, de sorte qu’en statuant ainsi, le Tribunal a méconnu ce texte ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni des pièces de la procédure suivie devant le Tribunal, ni des énonciations du jugement que M. X… se soit prévalu du caractère abusif de cette clause ; qu’ainsi le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit, comme tel irrecevable ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu, aux termes de l’alinéa 1 de ce texte, que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que pour dire que l’article 11 du contrat de vente ne présente pas le caractère d’une clause abusive et condamner M. X… à payer à la société M… la somme de 16 444,52 francs sur le fondement des stipulations de cet article, le jugement attaqué énonce que ledit article est parfaitement accessible à une personne dotée d’une capacité de compréhension moyenne, que, lors de la souscription, les parties ont eu pour commune intention de se lier mutuellement pendant une période suffisamment longue pour que chacun des cocontractants trouve un intérêt réciproque à respecter son engagement, qu’au moment de la résiliation du contrat d’abonnement par le client, les parties sont remises dans la situation préexistant à la signature, le client devant payer un complément de prix pour l’acquisition de son installation, modulé en fonction de la durée du contrat d’abonnement et des ventes réalisées par son entremise, que l’avantage conféré à la société M… lors de la résiliation, qui trouve son corollaire dans la contrepartie importante, réelle et suffisante accordée au client lors de la souscription du contrat, ne saurait donc être considéré comme excessif et unilatéral ;

Attendu, cependant, que si, du rapprochement des articles 2 et 11 du contrat de vente, il résulte que l’engagement pris par M. X… de souscrire auprès de la société M… un contrat d’abonnement de télésurveillance, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, trouve sa contrepartie dans la remise de la somme de 17 565,52 francs sur le prix du matériel vendu, les conditions auxquelles est subordonné l’exercice, par M. X…, de la faculté de résilier, à tout moment, le contrat d’abonnement, créent, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ces deux contrats ; qu’en effet, en ce qu’il impose à M. X…, en cas de résiliation de l’abonnement, de renoncer au bénéfice d’une telle remise, représentant 60 % du prix de vente du matériel, l’article 11, alinéa 3, du contrat de vente fait peser sur l’exercice de cette faculté de résiliation une contrainte excessive que ne suffisent pas à atténuer les déductions qu’il prévoit dès lors que l’allocation de la commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client, revêt un caractère aléatoire, tandis que la prime de fidélité est manifestement dérisoire ; que la clause figurant à l’article 11, alinéa 3, du contrat de vente est donc abusive, partant réputée non écrite ; que le Tribunal a donc violé, par refus d’application, les dispositions du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu que, faisant application de la clause pénale figurant au contrat d’abonnement, le jugement attaqué a condamné M. X… à payer à la société M… la somme de 2 466,68 francs ;

Attendu, cependant, que, selon les termes clairs et précis de cette clause, l’indemnité que celle-ci fixe n’est due qu’en cas de résiliation du contrat d’abonnement avant le terme de la période annuelle d’abonnement alors en cours ; qu’il est constant que M. X… a, conformément aux prévisions du contrat d’abonnement, résilié celui-ci avec effet au 20 juillet 1998, date du terme de la période annuelle d’abonnement alors en cours ; d’où il suit qu’en statuant comme il a fait, le Tribunal a violé, par fausse application, ladite clause, partant le texte susvisé ;

Et attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n’impliquant qu’il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 juin 1999, entre les parties, par le tribunal d’instance d’Hayange ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;DIT abusive et réputée non écrite la clause du contrat de vente stipulant qu’en cas de résiliation de l’abonnement de télésurveillance, la différence entre le prix réel de l’installation et la somme réglée lors de la signature du contrat sera alors facturée au client, déduction faite d’une prime de fidélité de 40 francs TTC par mensualité de télésurveillance réellement réglée et d’une commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client ;

DIT n’y avoir lieu à application de la clause pénale ;

REJETTE les prétentions de la société M… ;

Condamne la société M… aux dépens ;

Met à la charge de cette société ceux afférents à l’instance devant le juge du fond ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille deux.

Publication :Bulletin 2002 I N° 254 p. 195

Décision attaquée :Tribunal d’instance d’Hayange, 1999-06-04

 

Première chambre civile
N° de pourvoi : 99-16574
Publié au bulletin
Président : M. Aubert, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Rapporteur : M. Croze.
Avocat général : Mme Petit.
Avocats : M. Guinard, la SCP Defrenois et Levis.

Donne acte à la société E… de sa reprise d’instance comme venant aux droits de la Banque L… ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. B… , pharmacien-biologiste a été attrait en paiement par la banque L… auprès de laquelle il avait réalisé une opération de défiscalisation de ses revenus en faisant l’acquisition par crédit-bail d’un voilier de plaisance et en recevant des sous-locataires du bateau des loyers minorés par rapport à ceux qu’il devait à l’organisme de crédit ; que l’arrêt attaqué (Bordeaux, 3 mai 1999), refusant à M. B…  le bénéfice des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, a réformé le jugement qui avait jugé abusives certaines stipulations du contrat de crédit-bail ;

Attendu que les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 applicable à la cause, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu’abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ;

Que la cour d’appel qui n’avait pas à vérifier les compétences professionnelles que M. B…  avait lui-même déclarées a souverainement apprécié l’existence de ce rapport direct en relevant que l’intéressé avait conclu l’opération litigieuse en qualité de loueur professionnel de bateaux selon le document établi à l’intention de l’administration fiscale auprès de laquelle il avait par la suite déclaré les déficits, enregistrés par lui, au titre des bénéfices industriels et commerciaux et que dès lors il ne pouvait prétendre au bénéfice de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ; qu’ensuite il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l’arrêt, que M. B…  ait soutenu devant les juges du fond les prétentions qu’il fait valoir au soutien de son moyen tiré de la violation de l’article 93 du Code de commerce ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait ; que mal fondé en sa première branche, il est irrecevable en sa seconde :

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

Publication :Bulletin 2002 I N° 143 p. 110

Décision attaquée :Cour d’appel de Bordeaux, 1999-05-03

 

Dans l’affaire C-478/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et P. Stancanelli, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Suède, représenté par Mme L. Nordling et M. A. Kruse, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

République de Finlande, représentée par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet de faire constater que, en s’abstenant d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans son ordre juridique national l’annexe visée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), le royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann (rapporteur), président de chambre, D. A. O. Edward et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 25 octobre 2001,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 janvier 2002,

rend le présent

Arrêt

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 décembre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en s’abstenant d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans son ordre juridique national l’annexe visée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»), le royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

La directive

2. Aux termes de son article 1er, la directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. L’article 8 prévoit toutefois que les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.

3. L’article 3 de la directive est libellé comme suit:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. […]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

4. La directive comporte une annexe, intitulée «Clauses visées à l’article 3 paragraphe 3», qui énumère dix-sept types de clauses contractuelles. Le dix-septième considérant de la directive précise à cet égard que, «pour les besoins de la présente directive, la liste des clauses figurant en annexe ne saurait avoir qu’un caractère indicatif et que, en conséquence du caractère minimal, elle peut faire l’objet d’ajouts ou de formulations plus limitatives notamment en ce qui concerne la portée de ces clauses, par les États membres dans le cadre de leur législation».

5. Selon l’article 10 de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 31 décembre 1994.

La réglementation nationale

6. La directive a été transposée en droit suédois par la lagen (1994:1512) om avtalsvillkor i konsumentförhållanden (loi sur les clauses contractuelles dans les relations avec les consommateurs) et par la lagen (1994:1513) om ändring i lagen (1915:218) om avtal och andra rättshandlingar på förmögenhetsrättens område (loi modifiant la loi sur les contrats et autres actes juridiques en droit patrimonial).

7. L’annexe de la directive n’a pas été reprise dans le texte de ces lois. Elle figure, accompagnée de commentaires, dans l’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la lagen (1994:1512).

La procédure

8. Considérant que la directive n’avait pas été transposée de manière complète en droit suédois dans le délai prescrit, la Commission a engagé la procédure en manquement. Après avoir mis le royaume de Suède en demeure de lui présenter ses observations, la Commission a, le 6 avril 1998, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Le royaume de Suède n’ayant pas donné suite à cet avis, la Commission a introduit le présent recours.

9. Par ordonnances du président de la Cour des 26 mai et 4 juillet 2000, la république de Finlande et le royaume de Danemark ont été admis à intervenir à l’appui des conclusions du royaume de Suède.

Sur le fond

10. La Commission fait valoir que la directive a un double objectif: d’une part, ainsi qu’il ressort de son article 1er et de son deuxième considérant, rapprocher les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec les consommateurs; d’autre part, comme l’indiquent ses cinquième et huitième considérants, améliorer l’information des consommateurs quant aux règles de droit applicables.

11. Le fait que la liste de clauses abusives figurant en annexe à la directive est, comme l’indique l’article 3, paragraphe 3, de la directive, «non exhaustive» signifierait que, conformément à l’article 8 de la directive, elle peut faire l’objet d’ajouts ou de formulations plus limitatives de la part des États membres dans le cadre de leur législation. De même, le fait que cette liste est, comme le précise ledit article 3, paragraphe 3, «indicative» signifierait seulement que les clauses y énumérées ne doivent pas être automatiquement considérées comme abusives, mais que l’autorité nationale compétente doit être libre d’en apprécier la nature au regard des critères généraux définis aux articles 3, paragraphe 1, et 4, de la directive.

12. En tout état de cause, il serait indispensable, pour pouvoir atteindre le double objectif poursuivi et pour satisfaire aux exigences de la sécurité juridique, que cette liste soit publiée comme partie intégrante des dispositions transposant la directive. Une simple mention dans les travaux préparatoires d’une loi ne saurait suffire, ainsi qu’il découlerait de l’arrêt du 30 janvier 1985, Commission/Danemark (143/83, Rec. p. 427, point 11). Il serait douteux que le public intéressé, qui comprend non seulement les consommateurs mais également les opérateurs économiques tant suédois qu’étrangers, et les autorités nationales compétentes pour l’application des mesures de transposition de la directive aient facilement accès à ces travaux préparatoires, voire soient informés de leur existence et de leur importance.

13. Le gouvernement suédois, soutenu en tous ses moyens et arguments par les gouvernements danois et finlandais, rappelle que, conformément à l’article 249 CE, les États membres jouissent d’une grande liberté en ce qui concerne la forme et les moyens de transposition d’une directive. La présente affaire se distinguerait de l’affaire Commission/Danemark, précitée, en ce que la liste figurant en annexe à la directive, qui ne serait qu’un instrument d’interprétation des critères généraux définis par les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive, n’aurait pas, en soi, pour objectif la création de droits et d’obligations pour les particuliers.

14. Lors de la transposition de la directive, la question de son annexe aurait fait l’objet d’un débat approfondi. Selon une tradition juridique bien établie en Suède et commune aux pays nordiques, les travaux préparatoires constitueraient un instrument majeur d’interprétation des lois. L’incorporation de l’annexe de la directive dans ces travaux serait ainsi apparue comme la solution la mieux adaptée. Les juridictions suédoises auraient d’ores et déjà considéré comme abusives la plupart des clauses visées dans ladite annexe, le cas échéant en se référant à la liste en question, et le public intéressé serait informé de son existence par divers moyens.

15. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, chacun des États membres destinataires d’une directive a l’obligation de prendre, dans son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (voir, notamment, arrêts du 17 juin 1999, Commission/Italie, C-336/97, Rec. p. I-3771, point 19, et du 8 mars 2001, Commission/France, C-97/00, Rec. p. I-2053, point 9).

16. En l’espèce, l’article 6 de la directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs. L’article 7 leur fait également obligation de mettre en place des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

17. L’article 3 de la directive définit de manière abstraite les éléments qui donnent à une clause un caractère abusif. L’article 4 précise que ce caractère abusif doit être apprécié en tenant compte des circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat. L’article 5 prévoit une obligation de clarté dans la rédaction des clauses proposées au consommateur.

18. Ces dispositions, qui visent à accorder des droits aux consommateurs, définissent le résultat auquel tend la directive. Selon une jurisprudence constante, il est indispensable que la situation juridique découlant des mesures nationales de transposition soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêts du 23 mars 1995, Commission/Grèce, C-365/93, Rec. p. I-499, point 9, et du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-144/99, Rec. p. I-3541, point 17). Ainsi que la Cour l’a déjà souligné, cette dernière condition est particulièrement importante lorsque la directive en cause vise à accorder des droits aux ressortissants d’autres États membres, comme tel est le cas en l’espèce (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 18).

19. La Commission ne fait pas valoir que le royaume de Suède n’a pas satisfait aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions de la directive.

20. S’agissant de l’annexe visée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive, dont la transposition fait l’objet du présent recours, il convient de relever que, selon les termes mêmes de cette disposition, l’annexe en cause contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Il est constant qu’une clause qui y figure ne doit pas nécessairement être considérée comme abusive et que, inversement, une clause qui n’y figure pas peut néanmoins être déclarée abusive.

21. Dans la mesure où elle ne limite pas la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales dans la détermination du caractère abusif d’une clause, la liste figurant en annexe à la directive ne vise pas à reconnaître aux consommateurs des droits allant au-delà de ceux qui résultent des articles 3 à 7 de la directive. Elle ne modifie en rien le résultat auquel tend la directive et qui, comme tel, s’impose aux États membres. Il s’ensuit que, contrairement à la thèse soutenue par la Commission, le plein effet de la directive peut être assuré dans un cadre légal suffisamment précis et clair sans que la liste figurant en annexe à la directive fasse partie intégrante des dispositions transposant la directive.

22. Dans la mesure où la liste figurant en annexe à la directive a une valeur indicative et illustrative, elle constitue une source d’information à la fois pour les autorités nationales chargées d’appliquer les mesures de transposition et pour les particuliers concernés par lesdites mesures. Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, les États membres doivent donc, afin d’atteindre le résultat visé par la directive, choisir une forme et des moyens de transposition offrant une garantie suffisante que le public pourra en prendre connaissance.

23. En l’espèce, l’annexe de la directive a été intégralement reprise dans les travaux préparatoires de la loi assurant la transposition de la directive. Le gouvernement suédois a fait valoir que, selon une tradition juridique bien établie en Suède et commune aux pays nordiques, les travaux préparatoires constituent un instrument majeur d’interprétation des lois. Il a en outre affirmé que ces travaux peuvent être aisément consultés et que, au surplus, l’information du public sur les clauses considérées ou pouvant être considérées comme abusives est assurée par divers moyens. En réponse à ces explications, la Commission s’est bornée à soutenir que ces éléments ne sauraient compenser le fait que la liste figurant en annexe à la directive ne fait pas partie intégrante des dispositions transposant la directive.

24. Dans ces conditions, il convient de constater que la Commission n’a pas établi que les mesures prises par le royaume de Suède n’offrent pas une garantie suffisante pour que le public puisse prendre connaissance de la liste figurant en annexe à la directive.

25. Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas démontré que le royaume de Suède s’est abstenu d’adopter les mesures nécessaires pour transposer dans son ordre juridique national l’annexe visée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive.

26. Le recours doit en conséquence être rejeté.

Sur les dépens

27. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le royaume de Suède ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en son action, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le royaume de Danemark et la république de Finlande supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3) Le royaume de Danemark et la république de Finlande supportent leurs propres dépens.

Jann
Edward
Wathelet

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2002.

Le greffier, R. Grass

Le président de la cinquième chambre, P. Jann

Première Chambre
N° de pourvoi : 99-15711
Président : M. Lemontey .
Rapporteur : M. Bouscharain.
Avocat général : M. Roehrich.
Avocat : la SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, applicable en la cause ;

Attendu que pour garantir en cas de chômage le remboursement du crédit immobilier qu’il avait contracté, M. C… a adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit auprès d’une compagnie d’assurances aux droits de laquelle se trouve la société I… ; que s’étant trouvé en chômage, l’emprunteur a retrouvé un travail sous contrat à durée déterminée ; qu’au terme de ce contrat, il a demandé à l’assureur d’exécuter la garantie ; que ce dernier lui a opposé l’exclusion touchant le chômage survenant après l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ;

Attendu que pour réputer non écrite comme étant abusive la clause d’exclusion litigieuse et condamner l’assureur à exécuter la garantie, l’arrêt attaqué retient que la combinaison de cette clause avec celle qui limite à vingt-quatre mois la durée de la garantie assimile, en les sanctionnant de la même manière, les efforts consentis par l’assuré en occupant un emploi, fût-il précaire, en cours de période de garantie, à une démission de son poste de travail ou à son inaction prolongée et a pour conséquence paradoxale d’interdire à un assuré chômeur d’occuper un emploi disponible de durée déterminée pendant toute la période garantie, ce qui procure à l’assureur un avantage excessif ; qu’il relève encore que s’agissant d’un contrat d’adhésion, la clause n’a pu faire l’objet d’une négociation individuelle et n’a pu qu’être imposée par l’assureur ;

Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, alors que, d’une part, le seul fait qu’un contrat relève de la catégorie des contrats d’adhésion ne suffit pas à démontrer que telle clause particulière a été imposée par un abus de puissance économique, et que, d’autre part, la référence aux seuls désavantages subis par l’assuré, sans les comparer avec les avantages recueillis par l’assureur, ne permet pas de caractériser l’avantage excessif obtenu par celui-ci, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société I… à garantie et à paiement envers M. C…, l’arrêt rendu le 9 avril 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.

Publication :Bulletin 2002 I N° 92 p. 71

 

Première chambre civile
N° de pourvoi : 00-18202
Président : M. Lemontey .
Rapporteur : M. Renard-Payen.
Avocat général : Mme Petit.
Avocats : M. Foussard, la SCP Delaporte et Briard.

Attendu que la S…, locataire d’un terrain appartenant à la Chambre de commerce et d’industrie de Bayonne de 1984 à 1990, a souscrit, le 4 mars 1986, un contrat d’abonnement auprès de la Régie des eaux de B… ; qu’au titre du second semestre de l’année 1989, la facturation d’eau s’est révélée beaucoup plus élevée que lors des semestres précédents ; qu’après recherches, il est apparu que cette surconsommation était due à une fuite dans le branchement entre le compteur et l’entreprise ; que la S… a, alors, fait assigner la Régie des eaux devant le tribunal d’instance de Bayonne aux fins de fixer la créance à 300 francs au lieu de 23 256,02 francs et d’ordonner la restitution de l’indu ; que l’arrêt attaqué a fait droit à cette demande, après avoir constaté que la clause du contrat d’abonnement interdisant une telle réclamation était abusive ;

Sur le troisième moyen :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction initiale, alors applicable ;

Attendu que, pour juger que le texte susvisé était applicable à l’espèce, l’arrêt attaqué se borne à mentionner que le consommateur doit, au sens de ce texte, être considéré comme celui qui, dans le cadre de sa profession, agit en dehors de sa sphère habituelle de compétence et se trouve dans le même état d’ignorance que n’importe quel consommateur, et que tel était le cas de la S… ; qu’en se prononçant ainsi par une simple affirmation, sans rechercher si le contrat de fourniture d’eau avait un rapport direct avec l’activité de la S…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mai 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen.

Publication : Bulletin 2002 I N° 78 p. 60

 

Audience publique du 26 février 2002
Cassation
N° de pourvoi : 99-13912
Publié au bulletin
Président : M. Lemontey
Rapporteur : M. Bouscharain
Avocat général : M. Sainte-Rose
Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, M. Choucroy, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, applicable à l’espèce ;

Attendu que, suivant offre préalable acceptée le 29 mai 1989, la société S… a consenti à M. X…, pour une durée d’une année, renouvelable par tacite reconduction, une ouverture de crédit d’un montant de 90 000 francs ; qu’à cette occasion, ce dernier a adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit auprès de la compagnie Vie plus ; que l’offre préalable définissait les garanties de l’assurance et comportait notamment la stipulation suivante : « Après un délai de franchise absolue de 12 mois ininterrompus d’arrêt total de travail pour maladie ou accident ou de 18 mois pour chômage, prise en charge du solde utilisé restant dû à l’expiration de ces délais, sous déduction des éventuelles échéances impayées ou utilisations intervenues depuis le 1er jour de l’arrêt de travail » ; que M. X…, placé en arrêt de travail le 16 octobre 1992, à la suite d’un accident, a cessé tout remboursement ; que la société S…, se prévalant de la déchéance du terme, l’a poursuivi en paiement des sommes restant dues ; que M. X… a opposé le caractère abusif de la stipulation relative au délai de franchise ;

Attendu que pour écarter cette prétention et condamner M. X… à paiement, l’arrêt attaqué retient que, dès lors que l’ouverture de crédit avait fonctionné pendant près de quatre ans, la franchise assortissant la garantie en cas d’incapacité temporaire ne dénaturait pas la garantie du contrat consistant à prendre en charge le solde utilisé restant dû à l’expiration du délai de franchise, sous déduction des éventuelles échéances impayées ou utilisations intervenues depuis le premier jour de l’arrêt de travail, ce délai de douze mois n’étant pas excessif ;

Attendu, cependant, qu’en se fondant sur la durée de l’ouverture de crédit dont, à la date de formation du contrat d’assurance, la reconduction était éventuelle, alors qu’elle eût dû seulement se référer à la durée convenue du remboursement du crédit, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 février 1999, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes.

Chambre civile 1
Audience publique du 4 décembre 2001
Cassation partielle
N° de pourvoi : 99-14707
Président : M. LEMONTEY
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société S., dont le siège est route d’…, en cassation d’un arrêt rendu le 23 février 1999 par la cour d’appel de Nîmes (1e chambre civile, section B), au profit :

1 / du Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) S-A, dont le siège est *** Avignon, représenté par ses gérants Mme A. G., épouse M. et M. J. G.,

2 / de la société P. P., société anonyme, dont le siège est zone industrielle, ***,

3 / de la C., dont le siège est ***, défendeurs à la cassation ;

Le GAEC S-A a formé un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 30 octobre 2001, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, M. Aubert, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société S., de la SCP Parmentier et Didier, avocat du GAEC S-A, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société S. du désistement de son pourvoi en ce qu’il était dirigé contre la société P. P. et la Caisse industrielle d’assurance mutuelle ;

Attendu que pour les besoins de son exploitation, le groupement agricole d’exploitation en commun S-A (le GAEC) a obtenu de la société S. la fourniture et l’installation de serres couvertes de bâches plastiques fabriquées par la société P. P. ; qu’en raison de leur défectuosité, ces bâches se sont déchirées ; que, le 11 décembre 1991, la société P. P. a proposé le remplacement des bâches ; qu’un accord est intervenu entre le GAEC et les deux sociétés, le 24 décembre 1991, en vertu duquel la société P. P. devait fournir des bâches non défectueuses et la société S. devait procéder à leur installation ; que le GAEC a demandé l’indemnisation des conséquences du retard mis dans l’exécution des travaux de remplacement des bâches ; que la société S. lui a opposé une clause de ses conditions générales limitant sa garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, sans indemnité envers l’acheteur pour quelque cause que ce soit ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi provoqué du GAEC S-A, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu, d’une part, que dès lors que le GAEC avait caractérisé le préjudice dont il demandait l’indemnisation comme celui résultant de la perte des plants semés en vue d’être transplantés dans la serre sinistrée, de l’obligation de remplacer ces plants par des plants achetés à un tiers, d’une plantation tardive, d’une perte de rendement et d’une mise sur le marché décalée ayant entraîné des frais financiers, la cour d’appel, en retenant que le dommage dont la réparation était demandée était celui résultant du retard, estimé excessif, mis, après l’accord intervenu sur le mode de réparation des désordres eux-mêmes, à effectuer le remplacement des bâches, n’a pas méconnu l’objet du litige ;

que, d’autre part, en relevant que dès le 11 décembre 1991, la société P. P. avait proposé le remplacement des bâches défectueuses, ce qui avait permis de parvenir à l’accord prévoyant leur remplacement, la cour d’appel a, par motifs adoptés, pu considérer que n’était pas démontrée l’existence d’un lien de causalité entre la faute initiale de cette société et le préjudice dont la réparation était demandée ;

Et sur le second moyen du même pourvoi provoqué, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu qu’ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, retenu que le préjudice dont la réparation était demandée résultait du retard pris à procéder au remplacement des bâches, la cour d’appel a, en écartant la garantie de la Caisse industrielle d’assurance mutuelle, fait une exacte application de la stipulation excluant de la garantie les préjudices résultant de l’exécution d’une obligation de faire ; que le moyen n’est pas davantage fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société S. :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable à l’espèce ;

Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et réputée non écrite et condamner la société S. à indemniser le préjudice invoqué par le GAEC, l’arrêt attaqué retient que celui-ci était incompétent en matière d’emploi et de tenue des bâches plastiques de recouvrement de serres ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans relever l’absence de rapport direct entre le contrat conclu par la société S. avec le GAEC et l’activité professionnelle de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi provoqué éventuel ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société S. envers le GAEC S-A, l’arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne le GAEC S-A aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du GAEC S-A ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.